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Quelques éléments nouveaux sur le portrait de François Bégon par Rigaud

Catalogue concerné : I. Catalogue des portraits peints / Portraits d'attribution certaine

Période : Troisième période (de 1690/1691 à 1699/1700)

Numéro déjà catalogué : P.447 (page 152)

Rubrique concernée : Original Nature de la mise à jour : précision apportée sur une oeuvre déjà cataloguée

 

Fig. 1a : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, avec son cadre, collection particulière

(c) Tajan

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, avec son cadre, collection particulière

Fig. 1b : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, sans son cadre, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, sans son cadre, collection particulière

Fig. 1c : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, sans son cadre, dos, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, sans son cadre, dos, collection particulière

PRÉCISION APPORTÉE à une OEUVRE déjà CATALOGUÉE


Ht à l'origine ovale (H. 0,81 x L. 0,65 m), mise au format rectangulaire (H. 0,92 x L. 0,75 m) avant 1932, date où elle est reproduite au format rectangulaire par Yvonne Bézard en préambule de son ouvrage sur les Bégon (Fig. 2) ; étiquette ancienne sur le cadre indiquant la provenance "Bauvais"

Coll. part.

Hist. : Inscrit en 1695 dans les livres de comptes de Hyacinthe Rigaud ("Mons[ieu]r Begon le grand maître [des eaux et forests son frère - précise l'ami de Rigaud, Hendrik Van Hulst, dans sa propre liste de l'oeuvre peint de l'artiste -, rajouté par une autre main dans les livres de comptes : Habillement répété]" pour 336 livres avec le portrait du frère du modèle, Michel Bégon le Jeune dit Bégon de Montfermeil, peint également par Rigaud en 1695, soit un prix de 168 livres pour chacun des deux portraits en ovale ; coll. Jacques de Beauvais, 1932 ; resté dans la descendance ; galerie Philippe de Beauvais [1], Paris, 1998-1999 où il a été examiné par Dominique Brême qui a confirmé l'attribution à Rigaud ; coll. part. ; vente Paris, Tajan (expert : Cabinet Eric Turquin), 22 mars 2018, n° de lot en attente de communication.

Bibl. : Paris, Bibliothèque de l'Institut de France, ms. 624, fol. 11 v° ; Hendrik Van Hulst, [État général des portraits et autres tableaux exécutés par Rigaud de 1681 à 1698], après 1743, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, éd. Ph. de Chennevières, L. Dussieux, P. Mantz, A. de Montaiglon et E. Soulié, Paris, 1854, t. II, p. 161 ; Joseph Roman, Le Livre de raison du peintre Hyacinthe Rigaud, Paris, 1919, p. 45 ; Yvonne Bézard, Fonctionnaires maritimes et coloniaux sous Louis XIV, les Bégon, Paris, 1932, repr. en face de la page de titre comme représentant Michel Bégon l'Aîné ; Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), thèse de doctorat sous la dir. de B. Jestaz, Paris, École pratique des hautes études, 2003, cat. I, n° 373, repr. d'après la photographie publiée par Yvonne Bézard, donc au format rectangulaire ; Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud. Catalogue concis de l’oeuvre, Sète, 2013, n° P.417, p. 115, repr. d'après la photographie publiée par Yvonne Bézard, donc au format rectangulaire et avec un historique erroné, puisque correspondant à l'une des répliques du portrait de Michel Bégon le Jeune, dit Bégon de Montfermeil, frère de François ; Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° P.447, repr. p. 152 d'après une photographie transmise par le propriétaire actuel, au format ovale, tel que le tableau apparaît avec son cadre.




Sollicitée [2] le 15 février pour ré-examiner un tableau que nous avions pu étudier grâce à la générosité de son actuel propriétaire à l'occasion de la préparation de notre ouvrage, nous avons eu la possibilité de le faire cette fois-ci sans le cadre, le désencadrement n'ayant pas été envisageable chez le collectionneur, dans la mesure où le tableau était alors accroché très haut, au-dessus d'un escalier. Cette opération nous a révélé que Rigaud avait bien peint le portrait de François Bégon sur une toile à l'origine ovale - ce que souhaitait suggérer l'aménagement du cadre rectangulaire en un cadre à vue ovale -, qui fut mise par la suite au format rectangulaire, les écoinçons étant peints dans un ton sombre, à l'unisson du fond de l'ovale et avec un prolongement du manteau en bas à gauche, tel que le suggère la photographie publiée par Yvonne Bézard en 1932 (Fig. 2).



Fig. 2 : Photographie publiée par Yvonne Bézard en préambule de son ouvrage Fonctionnaires maritimes et coloniaux sous Louis XIV, les Bégon, Paris, 1932, avec une identification erronée du modèle

(c) photo Drouot / droits réservés / Paris, BnF / Ariane James-Sarazin

Photographie publiée par Yvonne Bézard en préambule de son ouvrage Fonctionnaires maritimes et coloniaux sous Louis XIV, les Bégon, Paris, 1932, avec une identification erronée du modèle

Depuis, l'oeuvre a été restaurée et les interventions postérieures au niveau des écoinçons dégagées (Fig. 1b). Le raccord est perceptible non seulement à l’œil nu, mais encore au toucher, puisque l'on sent en passant le doigt une petite boursouflure sur tout le pourtour de l'ovale. Notons d'ailleurs que la version du portrait du frère de François Bégon, Michel Bégon le Jeune dit Bégon de Montfermeil, de même provenance que le tableau Tajan et également reproduite par Yvonne Bézard en 1932 avec l'attribution erronée à Largillierre (Fig. 3a) [3], a subi un sort équivalent, puisque d'ovale, elle a été agrandie au rectangle (Fig. 3b).

Fig. 3a : Photographie publiée par Yvonne Bézard dans son ouvrage Fonctionnaires maritimes et coloniaux sous Louis XIV, les Bégon, Paris, 1932, avec une attribution erronée à Largillierre

(c) photo Drouot / droits réservés / Paris, BnF / Ariane James-Sarazin

Photographie publiée par Yvonne Bézard dans son ouvrage Fonctionnaires maritimes et coloniaux sous Louis XIV, les Bégon, Paris, 1932, avec une attribution erronée à Largillierre

Fig. 3b : Atelier de Hyacinthe Rigaud, Portrait de Michel Bégon le Jeune dit Bégon de Montfermeil, après 1695, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Atelier de Hyacinthe Rigaud, Portrait de Michel Bégon le Jeune dit Bégon de Montfermeil, après 1695, collection particulière

Ayant commandé leurs portraits respectifs la même année 1695, comme en attestent les livres de comptes de Rigaud, les cadets des trois frères Bégon, François (1650-1725) et Michel le Jeune (1655-1728) [4], déboursèrent au total 336 livres pour deux bustes ovales, très certainement conçus en pendant. Bien moins connu que son aîné, Michel (1638-1710), intendant des Iles d'Amérique, puis de Rochefort et La Rochelle, célèbre antiquaire et grand collectionneur à la curiosité encyclopédique, auquel l'abbé Plumier dédia une fleur ramenée des Antilles, le bégonia, et dont Rigaud fit le portrait en 1698-1699 [5] (Fig. 4), François fut commis du trésorier de la Marine à Toulon, charge que lui valut la protection de Marie Charron, femme de Colbert et cousine germaine des frères Bégon, avant d'être promu le 14 octobre 1694 grand maître des eaux et forêts du Berry et de Blois, ville où était installée sa famille depuis le XVIe siècle. Gageons que cette promotion ne fut pas étrangère à son souhait de poser devant Rigaud en 1695... Intéressé dans la compagnie de Tunis puis dans celle du Cap Nègre, il devint directeur de celle-ci en 1701.


Fig. 4 : Claude Duflos d'après Hyacinthe Rigaud, Portrait de Michel Bégon l'Aîné, 1708, Paris, BnF, département des Estampes et de la la photographie, Da. 64 p. 117 [57]

(c) Paris, BnF

Claude Duflos d'après Hyacinthe Rigaud, Portrait de Michel Bégon l'Aîné, 1708, Paris, BnF, département des Estampes et de la la photographie, Da. 64 p. 117 [57]


Il est probable que l'habit du portrait de François Bégon ait été ébauché pour 3 livres par l'un des collaborateurs de Rigaud, un certain Leroy. Bien que dit "répété", c'est-à-dire repris d'un client précédent et bien que son esprit général - un manteau de velours, gansé d'une broderie dont le dessin, avec ses losanges et ses bouquets, est tout-à-fait caractéristique du vocabulaire rigaldien (Fig. 5), dissimule le justaucorps, mais laisse la cravate apparente (Fig. 6), le tout drapé sur un buste vu de profil - sacrifie aux lieux communs de nombre de bustes peints par Rigaud dans la décennie 1690 (Fig. 7), cet habit retient l'attention par l'aspect très décoratif de la large broderie (Fig. 11) sur le revers de velours noir, que l'on ne retrouve pas, en l'état actuel des recherches, dans une autre composition conservée de Rigaud.

Quant aux deux répliques d'un Bégon qu'exécuta en 1695 Gaspard Rigaud, le frère de Hyacinthe, il est impossible de les rattacher avec certitude de préférence à l'un ou l'autre des deux frères, François ou Michel le Jeune, puisque tous deux ont été peints en 1695. On observera cependant que les seules répliques connues concernent pour l'instant le portrait de Bégon de Montfermeil...



Fig. 5 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

Fig. 6 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière


Fig. 7 : Hyacinthe Rigaud, Portrait du peintre Antoine Ranc, 1696, Narbonne, musée d'Art et d'Histoire, inv. 859.3.27

(c) Narbonne, musée d'Art et d'Histoire

Hyacinthe Rigaud, Portrait du peintre Antoine Ranc, 1696, Narbonne, musée d'Art et d'Histoire, inv. 859.3.27


Ce second examen, réalisé dans de bien meilleures conditions que les précédents, confirme notre sentiment sur la qualité du tableau aujourd'hui proposé par Tajan. La physionomie de François Bégon, avec ses sourcils nourris, accroche par son souci d'individualité. Les carnations sont belles, fondues et délicates (Fig. 8). Le regard est incisif, grâce notamment à la petite humidité perceptible au bord de l’œil (Fig. 9). Le maître a su conférer à son modèle une présence saisissante, faite d'une sorte de bonhomie et d'autorité bienveillante, propres à instaurer le dialogue avec le spectateur. Le rendu de la perruque présente tous les éléments distinctifs qui fondent la singularité de la manière de Rigaud dans la décennie 1690 : la masse des boucles conserve la légèreté et la douceur de la décennie précédente, tout en gagnant en consistance, tandis que du bout du pinceau, le maître s'est plu au premier plan, dans les mèches qui tombent sur l'épaule et le tissu, à individualiser chaque boucle d'un trait nerveux et virtuose de gris et de blanc (Fig. 10). Quant au vêtement, on notera, entre autres, la façon dont Rigaud plie le motif d'une fleur brodée, vue en raccourci, au caprice d'un pli, poussant l'illusionnisme jusqu'au bout (Fig. 11).



Fig. 8 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

Fig. 9 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière


Fig. 10 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

Fig. 11 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière

(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés

Hyacinthe Rigaud, Portrait de François Bégon, 1695, détail, collection particulière
 

Notes

[1] Et non "Beauvain" comme l'indique une malencontreuse coquille, dont nous prions nos lecteurs de bien vouloir nous excuser, dans notre ouvrage : voir Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° P.447, p. 152.


[2] Nous tenons à exprimer notre vive gratitude à Thaddée Prate, Astrid de Benoist, Julie Ducher et Jérôme Montcouquiol.


[3] Citée et reproduite dans Ariane James-Sarazin, op. cit., sous le n° P.446, p. 151, rubrique "Oeuvre mentionnée". Nous avons, depuis, pu examiner cette version, probable réplique de l'atelier de Rigaud, dont une restauration serait nécessaire pour conforter ou pas notre impression initiale.


[4] Voir Ariane James-Sarazin, ibid., n° P.446, p. 151, repr. Le portrait original est conservé en mains privées.


[5] Voir Ariane James-Sarazin, ibid., n° *P.556, p. 189. Ce portrait n'est aujourd'hui connu que par la gravure qu'en donna Claude Duflos en 1708. Sur Bégon collectionneur, voir Antoine Schnapper, Le Géant, la licorne et la tulipe. Collections et collectionneurs dans la France du XVIIe siècle, tome I : Histoire et histoire naturelle, Paris, 1988, p. 286-289, ainsi que Pascal Even, "Un collectionneur du Grand Siècle, l'intendant Michel Bégon", Revue de la Saintonge et de l'Aunis, 2005, 31, p. 103-123.

 

Pour citer cet article


Référence électronique

Ariane James-Sarazin, "Quelques éléments nouveaux sur le portrait de François Bégon par Rigaud", Hyacinthe Rigaud (1659-1743). L'homme et son art - Le catalogue raisonné, Editions Faton, [en ligne], mis en ligne le 20 février 2018, URL : http://www.hyacinthe-rigaud.fr/single-post/2018/02/20/Quelques-elements-nouveaux-sur-le-portrait-de-Francois-Begon-par-Rigaud










L'AUTEUR
Ariane James-Sarazin
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